CHRONIQUES
La Tragique destinée d'Otelo de Souza T1 08/05/2022
d'Omar Lopes - auto-édition
Parution : décembre 2020 - 44 pages N&B
22 × 21 cm - Prix : 10 €
Découverte à la sympathique librairie marseillaise Le Square, cette première partie de La Tragique destinée d’Otelo de Souza est une BD auto-produite par son auteur Omar Lopes (alias Gilles Guégan). Un polar sordide qui nous (re)plonge dans les années 80.


De quoi ça parle...
C’est l’histoire d’Otelo de Souza, jeune d’origine portugaise, qui plutôt que travailler sur les chantiers comme ses compatriotes préfère zoner dans la cité jusqu’à ce que son pote Chérif lui propose de convoyer des voitures de luxe en Suisse pour le compte de Nadir, un trafiquant à la petite semaine.
Un, puis plusieurs convois... Tout se passe bien : sans rouler sur l’or, Otelo peut mener un « honnête » train de vie, payer ses dettes à son père, offrir des tournées aux copains... et peut-être même inviter un jour la belle Nabila, la sœur de Chérif ? « La belle vie ? »
Mais forcément c’était trop beau et lors d’un énième convoi, alors qu’il est accompagné par Chérif, ils se font poursuivre par la police, finissent dans le ravin et découvrent que la voiture cachait de la drogue.
Dès lors, une fuite en avant va mener les deux acolytes dans les bas-fonds, obligés de se cacher de la police comme de leurs anciens commanditaires.


Si le récit est plutôt classique (on se demande bien comment Otelo et Chérif ne se doutaient pas qu’un boulot si bien payé ne cachait pas autre chose qu’un convoi de voitures de luxe), c’est surtout l’ambiance et les personnages qui sont attachants.
On a un peu de mal au début à rentrer dans cette histoire présentée par son auteur comme « un thriller d’avant les téléphones portables » mais le dessin bien que parfois maladroit est toujours attachant et nous pousse à poursuivre la lecture. Grand bien nous en prend car au final on est récompensé : l’intrigue s’emballe et la fin de cette première partie nous laisse même pantois !

Bien qu’auto-produit, l’ouvrage est de belle facture avec un sobre dos carré collé et une couverture aux fuchsia et vert pétaradants qui attirent l’oeil.
Le dessin N&B charbonneux est assez bien reproduit malgré la copie numérique et la structure en gaufrier de 9 cases rappelle que la première diffusion de ce récit s’est faite en feuilletons de 3 cases sur le net via un blog hébergé par Médiapart.
Amateur revendiqué bien que passionné par toutes les formes d’art, Gilles Guégan l’auteur de cette BD réalisée entre 2008 et 2012 est originaire de Grenoble. Il partage son temps entre Marseille et l’Isère où il mène d’autres activités artistiques.
La Tragique destinée d’Otelo de Souza est une très intéressante découverte et une initiative qu’on vous pousse à soutenir. Vivement la suite !





Quelques questions
à Omar Lopes -
alias Gilles Guégan :

Pourquoi fais-tu de la BD ?

Parce que la BD a toujours été présente dans ma vie aussi longtemps que je m’en souvienne… parfois, je m’en suis détourné, plus ou moins longtemps, mais je trouve que ça reste un beau moyen de raconter des histoires, c’est une forme de littérature tout simplement.

Comment est né le récit d'Otelo de Souza ?

D’une envie de raconter des choses plus ou moins vécues (il y a longtemps), vues ou entendues – mises dans un shaker et bien secouées – et en s’amusant en jouant avec les codes de la BD et avec le mode “Thriller” et une couche d’humour. Et beaucoup d’autodérision.

Pourquoi ce pseudonyme et ce personnage principal d'origine portugaise ?

J’ai moi-même une histoire familiale liée au Portugal et à l’Algérie, c’est une façon de prendre de la distance avec le narrateur, comme une double personnalité – une manière d’emboîter de la fiction dans de la réalité. Enfin j’ai eu un copain portugais qui m’a réellement inspiré pour le personnage d’Otelo (même physiquement). Quant au nom, il fait référence à Otelo Saraiva de Carvalho, un des acteurs emblématiques de la révolution portugaise du 25 avril 1974 et à Othelo, personnage de tragédie de Shakespeare (le nom en lui-même est une référence, je n’ai même pas lu la tragédie – je vais peut-être devoir le faire).

Quelles sont tes influences sur ce récit ou en général, que ce soit en BD ou en littérature, cinéma, etc

En BD je dirais sans conteste Alack Sinner de Munoz et Sampayo, mais aussi Ballade pour un voyou de Franck et Golo ou encore Taxista de Marti et… Tintin, pour les cauchemars.

À quand la suite ? Et sous quelle forme ?

J’ai déjà imprimé en risographie un fascicule de 12 pages, l’amorce de la suite du récit que j’espère pouvoir éditer en petits épisodes à suivre à parution aléatoire. C’est une histoire sur le long terme, car je ne dessine que quand j’ai le temps, souvent le soir et parfois avec des éclipses de plusieurs mois. Alors le fil de l’histoire peut dévier… Et puis, pour l’instant je ne l’ai diffusé principalement que de la main à la main dans un cercle de relations (à part quelques dépôts en librairie) ; alors ça “diffuse” lentement… Je suis complètement en dehors des circuits, or, une histoire n’existant que si elle est lue, il faut peut-être que je reconsidère mon fonctionnement !

En plus de ton activité professionnelle de jardinier et de cette passion pour la BD, tu es membre du collectif artistique grenoblois Ici-Même. Peux-tu nous présenter vos activités et plus particulièrement ton travail au sein de ce collectif ?

Ici-Même développe un travail “polymorphe” empruntant autant au spectacle vivant qu’à l’art contemporain ou sonore. Un travail dont le cadre est souvent l’espace public et la matière principale les relations entre les personnes ; beaucoup plus conceptuel que celui que je produis dans ma bande dessinée ! Dans le collectif le travail de chacun est souvent multiforme, pour ma part, je travaille principalement sur les productions graphiques : éditions, affiches, livrets divers, mais aussi parfois des constructions plus scénographiques. Et je participe à l’écriture des projets, à leur “mise en forme institutionnelle”.

As-tu d'autres projets collectifs ou non sur Marseille ?

Sur Marseille, j’aimerais avoir plus de temps pour profiter davantage de la mer, nager, pêcher, dormir au bord de l’eau…

Et enfin, pourquoi t'être installé même en partie à Marseille et que t'apportes cette ville culturellement et/ou humainement ?

Je m’y suis installé avec Ici-Même – qui a été artiste associé au Merlan (le Zef, aujourd’hui) entre 2010 et 2013 – et puis sans que j’y prenne garde, ma fille, alors collégienne, s’est attachée fortement à cette ville, plus moyen de partir !

Merci infiniment à Gilles Guégan pour son travail et s'être prêté au jeu de l'interview par mail !




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