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Le Sommet
des Dieux 25/9/2021
film d'animation de Patrick Imbert
adaptation du manga de Jiro Taniguchi lui-même d'après le roman de Baku Yumemakura (éd. Kana)
sortie : 22 septembre 2021 – 1h30 – couleurs
Manga d'aventures à succès sur l'alpinisme adapté d'un roman populaire par Jiro Taniguchi, certainement l'auteur japonais de BD le plus connu en France (malheureusement décédé en 2017), Le Sommet des dieux vient lui-même d'être transposé sur grand écran dans un film d'animation fidèle et plutôt réussi réalisé par une équipe française.
Attachez votre mousqueton et c'est parti pour le toit du monde !
Entre aventures
et polar, un récit sur l'alpinisme
Dans les années 90, à Katmandou, Fukamachi, un journaliste japonais qui suit au Népal des alpinistes de son pays, est contacté par un homme qui cherche à lui revendre un vieil appareil photo qui aurait appartenu au britannique George Mallory, disparu en 1924 alors qu'il tentait d'être le premier à gravir l'Everest et dont le corps n'a jamais été retrouvé. Mais, alors que le journaliste refuse d'acheter l'objet, un autre homme interpelle violemment le vendeur suspect pour récupérer l'appareil photo. Malgré la pénombre de la ruelle dans laquelle ils se trouvent, Fukamachi pense avoir reconnu le deuxième homme : Habu Jôji, un alpiniste japonais disparu de la circulation depuis des années.
De retour au Japon, Fukamachi essaie de retrouver la trace de Jôji en contactant les différentes personnes qui l'ont côtoyé avant qu'il ne donne plus signes de vie, témoignages et scènes en flash-backs reconstituant en creux l'histoire de ce personnage.
Alpiniste surdoué mais tellement obsédé par ses ascensions qu'il en a oubliés les gens autour de lui, ses partenaires y compris. Jusqu'à ce jour tragique où un très jeune alpiniste, qui l'avait supplié de l'accompagner, se retrouve suspendu dans le vide, seulement attaché à la corde qui le relie à Jôji. Après des heures pendant lesquelles Jôji n'arrive pas à le remonter, la corde étant trop fragile, le jeune homme, fortement affaibli, décide de couper la corde et de se laisser tomber fatalement au sol !
Fortement traumatisé, Jôji n'en continue pas moins d'escalader, mais désormais ce sera seul. En rivalité avec un autre alpiniste plus médiatique que lui, Hase Tsunéo (inspiré par Tsuneo Hasegawa, un célèbre alpiniste japonais), les deux hommes vont se lancer le défi de savoir qui le premier arrivera à gravir, d'affilée et en plein hiver, trois des sommets les plus fameux des Alpes. Alors qu'il est en avance sur son rival après les deux premières ascensions, dans la dernière, celle des Grandes Jorasses, près du Mont-Blanc, entre l'Italie et la France, Jôji fait une chute durant laquelle il se casse le bras. Retenu par sa corde, il arrive à la force de son seul bras valide et de ses dents, à monter jusqu'à un replat où il va se réfugier pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, dans le froid glacial. Ce sera grâce à l'équipe de son rival, en reconnaissance en hélicoptère, qu'il va pouvoir être secouru. Il perdra à cause du froid deux doigts dans cet accident.
En convalescence, Jôji apprend que son rival Hase Tsunéo a réussi la troisième ascension et remporte ainsi le défi qu'ils s'étaient lancés.
Sans abandonner l'alpinisme et l'escalade, Jôji accumule des travaux alimentaires pour pouvoir financer de futures expéditions, quand il apprend que Hase Tsunéo a péri en tentant de gravir l'Everest en plein hiver et en solitaire par la face sud-ouest, la plus périlleuse. Habu Jôji quitte définitivement le Japon pour le Népal. Dès lors, il n'aura de cesse de tenter, lui aussi, cette ascension.
Grâce à la sœur du jeune homme mort en accompagnant Jôji, ce dernier lui envoyant régulièrement de l'argent par courrier, Fukamachi retrouve les traces de l'alpiniste japonais au pied de la face sud-ouest de l'Everest. Au départ réticent à se faire suivre par le photo-reporter, Jôji accepte à condition que le journaliste reste à distance et que ni l'un ni l'autre ne se prête assistance, et ce quoiqu'il arrive.
Après quelques jours à attendre que la neige arrête de tomber, puis qu'elle se fixe, à quelques minutes d'écart, les deux hommes partent pour gravir l'Everest...
Attention spoiler !
Si vous ne voulez pas connaître la fin, passez ce paragraphe...
Malgré un bon entraînement et le sillage que lui trace Jôji, l'ascension est rude pour le journaliste Fukamachi qui, en se précipitant, va finir par chuter. Sauvé par sa corde, il est cependant incapable de remonter. Jôji vient tout de même à son secours. Après une nuit de fortes intempéries, Fukamachi redescend seul, Jôji ayant décidé malgré le mauvais temps de continuer l'ascension qu'il arrivera à finir mais sans que personne ne le sache puisqu'il mourra (sans qu'on ne voit comment dans le film) en redescendant.
Le guide népalais de Jôji, que Fukamachi à retrouver au pied du sommet, lui donne l'appareil de Mallory que l'alpiniste japonais avait trouvé, comme Fukamachi l'avait pressenti, lors d'une de ses précédentes tentatives de gravir l'Everest par la face sud-ouest en hiver. Un autre homme qui a préféré le dépassement de soi à la prudence. Mais pourquoi les hommes veulent-ils continuer à s'élever ? Pourquoi, même une fois arrivés au sommet, cherchent-ils à aller soit plus vite, soit en solitaire, par une voie plus difficile, ou en plein hiver,... ?


Une adaptation fidèle
Plutôt fidèle au manga original, cette adaptation animée reprend les principales étapes du récit telles que présentées dans les livres. Le film ne durant qu'1h30 (contre 1500 pages pour le manga !), il y a évidemment quelques raccourcis. Ainsi, la pseudo-enquête en flash-back, un peu longue dans le manga, est ici plus concise, montrant tout de même bien le côté casse-cou et asocial de l'alpiniste Jôji.
Deux scènes marquantes sont ici retranscrites dans toute leur puissance émotionnelle. En effet, que ce soit la chute sacrificielle du jeune homme qui accompagne Jôji, ou lorsque ce dernier se retrouve coincé plusieurs nuits lors de son ascension des Grandes Jorasses, le froid et l'isolement sont tellement bien rendus ! On passera sur lé côté « rambo » (présent dans le manga également), comme par exemple juste avant cette scène quand il monte avec un seul bras valide et avec les dents une partie des Grandes Jorasses.
Comme dans le manga, on retrouve également parfois dans cette version animée des accents un peu trop mélodramatiques lors de scènes tout de même plus qu'efficaces, et ce dans les deux supports.
Si narrativement, le film est très proche des œuvres originales, stylistiquement des choix visuels semblent s'éloigner du manga.
Tout d'abord, la couleur ! Le manga étant par essence en noir et blanc, le choix de la couleur a donné lieu à un travail original et plutôt réussi, surtout dans le traitement des décors très réalistes - à tel point que sur l'affiche on peut légitimement se demander si ce n'est pas un film en prises de vue réelles - à la différence de l'animation et du design des personnages qui, eux, sont d'une facture beaucoup plus, voire trop, classique.
Bien qu'on reconnaisse l'utilisation des techniques d'animation modernes, au premier rang desquelles la 3D avec des effets de caméra et donc l'hyper réalisme des décors, cela reste beaucoup plus subtil que dans la plupart des dessins animés actuels qui usent et abusent de la 3D à gogo !
Mais il faut dire que ce film d'animation s'adresse, comme le manga d'ailleurs, à un public adulte, et pas forcément les plus jeunes, comme le montrent les nombreux clins d'œil aux années 90's, l'époque de l'histoire, avec moult walkman et autres VHS... d'où peut-être aussi l'animation des personnages plus classique.

Cela reste une bonne surprise, d'autant plus qu'il est rare de voir un dessin animé pour adultes même si on se demande parfois pourquoi le dessin et l'animation ont été préférés au film en prises de vue réelles, bien que quelques rares scènes utilisent le potentiel du dessin animé comme quand Fukamachi, en montant l'Everest, a des hallucinations à cause du manque d'oxygène.

Et pour ceux qui voudraient prolonger le plaisir du film et découvrir les coulisses de sa réalisation, les éditions Paulsen ont édité Autour du sommet des dieux de Thomas Vennin, un bel ouvrage abondamment illustré reprenant divers travaux préparatoires et interviews du réalisateur et de ses collaborateurs.
Parution : septembre 2021 – 192 p – coll° Guérin – éd. Paulsen – 29,90 €

| Lien vers le site des éditions Paulsen


Autour du Sommet des dieux

blabla
Le manga original
Si ce n'est pas notre manga préféré de Taniguchi, (auquel on préférera ses récits plus intimistes comme Quartier lointain, ou le moins connu L'Orme du Caucase, recueil de nouvelles d'après les écrits de Ryûichirô Utsumi), notamment à cause de certaines longueurs et de quelques scènes un peu « too much » dignes de Rambo (comme évoqué plus haut, lors de la scène par exemple dans laquelle Jôji blessé escalade un sommet des Alpes, avec les dents), Le Sommet des dieux est un classique du manga d'aventures pour adultes adapté d'un roman éponyme de Baku Yumemakura, un auteur japonais contemporain de romans de science-fiction et d'aventures (que Taniguchi avait déjà adapté en 1989-90 avec Garoden, un récit sur les arts martiaux).
La série est prépubliée au Japon entre 2000 et 2003 avant d'être rassemblée en cinq recueils de près de 1500 pages en tout ! La version française est éditée par Kana entre 2004 et 2005 et connaîtra plusieurs rééditions, notamment une édition cartonnée en 2010-2011.
Le Sommet des dieux a notamment reçu le Prix du dessin lors du Festival d'Angoulême en 2005.
Avant de connaître une adaptation en film d'animation par le réalisateur français Patrick Imbert, un film live réalisé par Hideyuki Hirayama, Everest, le sommet des dieux, est sorti en 2016 au Japon.

Photo de Taniguchi
Taniguchi,
le dieu au sommet du manga

Après une carrière de près de 20 ans en tant qu'auteur de mangas pour adultes plutôt classiques (et forcément stakhanoviste), Jiro Taniguchi décide à la fin des années 80 de « lever » le pied (il réalisera tout de même une quantité conséquente d'ouvrages à la fin de sa carrière) pour se consacrer à des récits plus intimistes et personnels. Ainsi, L'homme qui marche présentant des récits contemplatifs sur un homme qui fait des promenades paraît au Japon en 1992 et en France en 1995 aux éd. Casterman. Mais c'est surtout Quartier lointain qui paraît chez le même éditeur en deux volumes en 2002 et 2003 qui lui assurera une renommée dans nos contrées.
D'autres ouvrages suivront dans une veine toujours assez intimiste et contemplative jusqu'à son décès en 2017 à l'âge de 69 ans, à Tokyo, des suites d'une longue maladie.
Taniguchi est sans conteste l'auteur de BD japonais le plus réputé en France, à tel point que Quartier lointain a été adapté sur scène, puis sur grand écran par Sam Garbarski de façon plutôt réussie malgré la transposition de l'histoire en France, dans la région de Nantua.
Si il est reconnu en France dès les années 2000, le grand public japonais découvre Taniguchi en 2012 avec l'adaptation en série-télé du Gourmet solitaire, des histoires sur la gastronomie japonaise. En 2020, L'homme qui marche a été adapté en 10 épisodes de 29 minutes sur la chaîne NHK.
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